Sergent, rédacteur-correcteur à Képi Blanc, ma mission consistait à suivre et guider une équipe de tournage d’Antenne 2 le jour de Camerone.
D’emblée, au premier contact, une mauvaise impression m’assaillait : ces cinéastes ne me plaisaient pas, et notamment leur chef d’équipe, dont je trouvais les propos singulièrement incorrects vis-à-vis de notre institution...

La veille, alors que je présentais la garde au colonel Letestu, chef de corps, l’équipe de télévision tournait la séquence. À l’issue du tournage, je leur faisais part de ma surprise — désagréable — à propos de certains gros plans que je n’appréciais pas du tout !

Voilà pour le décor :

Quelque temps après notre fête légionnaire, je partais pour Coëtquidan afin d’y apporter des affaires personnelles du capitaine Danjou, destinées à enrichir une exposition organisée par les élèves saint-cyriens de la promotion « Capitaine Danjou », au musée de l’École.

Tout un programme, qui impliquait, entre autres, la présence de légionnaires à leur cérémonie de baptême. Le colonel Letestu apportait lui-même la main articulée de Danjou, retirée exceptionnellement du musée de la Légion à Aubagne.

Après quelques jours de présence à la Spéciale, je me trouvais comme un poisson dans l’eau ; les sous-officiers de l’école m’avaient réservé un accueil des plus chaleureux, et c’est avec plaisir que je les invitais à regarder, à 14 h 30 le dimanche suivant, en ma compagnie, le reportage d’Antenne 2 qui diffusait « Camerone à Aubagne ».

Camerone a Aubagne 1

Il est vrai qu’en apprenant cette diffusion, je m’apprêtais à jouer un petit peu les vedettes devant mes camarades de la « régulière » ! Pensez donc : j’allais passer à la télé devant la France entière...

J’étais tout fier de leur présenter le reportage et d’avoir été filmé la veille de Camerone, lorsque je présentais la garde à celui qui avait déjà été mon chef de corps à Madagascar.
Pour en rajouter un petit peu, je leur expliquai que j’avais eu la responsabilité de guider et orienter cette équipe de tournage lors de la cérémonie, sur la place d’armes du quartier Viénot à Aubagne.

Au moment de la diffusion du documentaire — dont je n’avais pas pu regarder les rushes — quelle ne fut ma déconvenue en réalisant que, pendant une grande partie du tournage, les images montraient avec insistance et en gros plan un caporal-chef placé au dernier rang de sa colonne, qui se curait consciencieusement le nez !

Le chef d’équipe télé — un Spilberg, un Copola, un Tarantino en devenir, sans doute — n’avait retenu que cette scène anecdotique pour présenter notre Camerone légionnaire...

Vexé, je quittais le mess.


Mes nouveaux camarades ne m’ont plus jamais revu !

 

Commandant (e.r.) Christian Morisot.